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Colèriennes, colèriens !

Un groupe s’est « arrêté ».
Ils ont stoppé le cours de leur vie, ne rentrent plus chez eux, restent là, sur la scène du théâtre,
marquant par là leur impossibilité à faire comme si de rien n’était.
À faire comme si le monde n’avait pas été renversé, laissant leurs rêves inaboutis, non-vécus.
Ils ne savent pas très bien ce qui leur a pris, toutes et tous. Ce n’étaient pas des révolutionnaires.
Ce n’étaient pas des grandes gueules médiatiques.
Des figures aux beaux principes.
Ils s’étonnent encore de ce qu’ils ont osé faire, ensemble.
Une fin d’après-midi, alors qu’ils participaient à une visite du théâtre,
ils ne sont pas sortis lorsqu’elle celle-ci aurait dû prendre fin.
Ils se sont donc transformés en « occupants ».
À présent, ils se tiennent en face de nous.
Ils tentent de dresser le constat de ce qui a pu les pousser à passer à l’action.
Ils tentent aussi de comprendre ce qui pourrait être modifié.
Ce qui pourrait se jouer différemment, à l’avenir.
Ils jouent, donc.
Ils dansent.
Ils mangent ce qu’on leur apporte du dehors.
Ils « occupent », quoi.
Tentent de s’inventer un demain qui pourrait à nouveau leur être enviable et joyeux.


Colèriennes, colèriens ! est une commande de Benoît Lambert, Comédie de Saint-Étienne.

La pièce a été crée dans une mise en scène de Benoît Lambert & Pauline Laidet, en avril 2023, avec l’option théâtre du collège Gambetta de Saint-Étienne. Le projet a été mené avec le soutien et l’accompagnement de L’Espace Boris Vian, Saint-Étienne.

L’écriture

Le début de la pièce

1.

Un groupe se tient face au public.

– Ça commence ici. Parce qu’on est au théâtre et que tout est permis, mais aussi parce qu’ici, il n’y a plus la lumière du jour, plus le ciel, plus les enjeux foireux, les bruits de la vie, les histoires que tu transportes tout le temps avec toi, la famille, l’héritage, plus rien.
– Ça commence ici, avec le noir partout.
Le vide.
Le silence.
L’espace autour de nous, si épais qu’on pourrait s’en saisir.
– Ça commence avec tous les possibles qui s’ouvrent devant nous, oui.
– Ça commence avec notre arrivée ici pour une visite guidée.
Une visite du théâtre.
– Ça commence comme cela : avec tous les possibles qui, pour la première fois, s’ouvrent devant nous.

2.

Deux personnes se sont arrêtées sur la scène. Contemplatives.
Quelqu’un entre.

– Qu’est-ce que vous faites ? Vous venez ?
– On ne vient pas, non.
– Déconnez pas ! Venez ! Allez, il y a tout le groupe qui avance. Si vous ne vous bougez pas, on va se perdre !
– Vas-y, toi. Rejoins-les.
– Nous, on reste ici.
– Arrêtez vos conneries.
– C’est pas des conneries.
– On reste ici.
– Sur la scène.
– Ici, on est bien.
– Cool. C’est bon, vous venez, maintenant ? Il faut qu’on avance. La visite continue.
– On ne va pas partir d’ici.
– OK. OK. Je vais aller prévenir les autres.
– Tu ne préviens personne. On n’a pas besoin d’aide.
– On ne dérange personne.
– On reste là, c’est tout. Pars, si tu veux. Va les rejoindre, toi.
– On n’a pas besoin de toi.
– On reste là, tout simplement.
– Je ne vous comprends pas.

Quelqu’un d’autre entre.

– Qu’est-ce que vous faites ? Venez ! Vous allez vous faire engueuler. Il y a la visite qui avance. Ils se demandent où vous êtes…
– Ils refusent de bouger.
– Très drôle.
– Je te jure ! Ils disent qu’ils sont bien, ici. Qu’ils veulent rester sur scène.
– N’importe quoi.
– C’est vrai.
– Ici ?
– Oui.

Quelqu’un d’autre, encore.

– Ah, vous êtes là ?! Je vous ai cherchés partout. Vous venez ? Ils avancent, là.
– Ils ne veulent pas bouger.
– Laissez les, alors. Vous n’avez qu’à venir, vous. S’ils avancent trop, on va se perdre. C’est immense, ici. C’est labyrinthique.
– Ils disent qu’ils sont bien ici.
– Ici ?
– Oui.
– J’en ai assez de courir tout le temps.
– J’en ai assez d’enchaîner toute la journée…
– La tension d’une chose à l’autre, tous les jours, toute la semaine… Les agressions, toujours…
– Vingt trucs à faire à la fois…
– Les pensées qui se mélangent…
– Ici, on a tout le temps qu’on veut. Vous sentez ? Ça respire.
– J’ai besoin de présent, moi.
– J’ai besoin de vide.
– On reste ici.
– Vous êtes trop forts.
– Je veux sentir mon corps
Trembler
Des vibrations du monde.
Je veux respirer l’air qui fait les oiseaux migrateurs.
– Je veux que mon sang se charge de la puissance des courants maritimes.
– Je veux relier les antiques cités
À nos mégalopoles ;
Que me bercent les mots anciens,
Les mots futurs.
– Je veux devenir la corde
Vibrant sous les doigts de la beauté
Et que mes traits
Rallient
Les terres inexplorées.
– Où est-ce que vous trouvez ces mots ?
– Je ne sais pas…
– Je ne sais pas ce qui m’a pris.
– C’est énorme !
– Je crois que je suis d’accord avec vous, moi. D’accord avec tout ce que vous venez de dire, oui ! Les courants maritimes, les mots futurs, tout ! Je suis d’accord.

Quelqu’un d’autre entre.

– Qu’est-ce que vous faites ? Vous venez ?
– On reste, non.
– Là ?
– Oui.
– Tous les cinq ? Qu’est-ce qui vous prend ?
– C’est un truc avec les oiseaux migrateurs.
– Les doigts de la beauté.
– Tu ne pourrais pas comprendre.

– Ça commence comme ça, oui.
Avec la sensation d’avoir
Trouvé son lieu.


Pour découvrir le texte intégral, vous pouvez en faire la demande ici.

En images

mise en scène Pauline Laidet &Benoît Lambert
avec Sohan Abiola-Tholozan, Ayla Bichara Dana Matras, Filipa Couto Lopes, Baptiste Épale, Célestine Fortunier, Aloïs Grangeat, Maïlyne Guennoc-Deniau, Romain Guttierez, Lucas Maurin, Rose Mellet, Violette Mounier-Moland, Louise Perez-Seguin, Annsse Saoud, Elizabeth Vernet-Laugier, Rose Vigliano, Gabrielle Weiss-Boyer
collaboration artistique Colin Rey
scénographie et création lumière Antoine Franchet
création son Fabrice Drevet
costumes Ouria Dahmani-Khouhli
régie plateau – régie principale Gwilherm Bevan
régie Lumière Mélanie Wojylac

photographies de Charlyne Azzalin

Reportage sur la création

Autour de la pièce