Il est suffisamment rare que les critiques s’intéressent au livre de théâtre pour relever cet article, d’autant plus quand les mots posés sur Le Jour de l’ours sont si justes.
Voici l’article original de Nicole Fack.
Le Jour de l’ours
Le tragique contemporain
Une pièce énigmatique. D’abord parce que, s’il s’agit du jour de l’ours, il n’y est jamais question de cet animal. En revanche, ce sont quatre personnes bien humaines et bien présentes et parfaitement actuelles.
Deux jeunes : Rosa et Arthur. Ils se rencontrent, ils se flairent, ils s’attirent et se craignent.
Deux adultes : Hubert et Marie, visiblement amis. Le premier est l’éducateur de la jeune Rosa, ado problématique, l’autre, est une sorte d’ermite, réfugiée en montagne, suite, on l’apprend assez vite, à la mort de son mari et de sa fille, quelques temps plus tôt.
Plus bas, le village, évoqué par les uns ou les autres, où l’on s’inquiète du sort de cette femme seule, isolée sur sa montagne, dont la voiture est en panne et qui ne descend plus jamais et que tous appellent la nonne. C’est Hubert qui lui monte ses courses; et puis, elle a la nature qui pourvoit à beaucoup de ses besoins. Tout le monde veut aider Marie et Marie n’a nul besoin d’aide.
Hubert, justement, a eu une idée : la jeune Rosa (seize ans) veut s’en sortir; il a proposé à l’équipe, un séjour de rupture… dans le mas montagnard qu’il ne possède pas. Chez Marie, en fait. Marie : Hubert, merde ! Hubert : J’en peux plus de les voir finir à la rue, sur les trottoirs à faire la manche, tapiner… le désarroi de Hubert, son impuissance, sa colère devant le gâchis, s’affrontent à la résistance obstinée de Marie, qui elle, a des ressources ailleurs : dans la nature, dans la solitude et qui se méfie de la pitié. De celle des autres et peut-être aussi de celle qu’elle pourrait éprouver. Son neveu Arthur débarque, lui aussi pour l’aider. C’est fou ce que les gens veulent l’aider… c’est fou aussi ce que les gens camouflent derrière leurs mots de braves, de fiers, de courageux… chacun ses fêlures, chacun son mal de vivre, son mal à vivre. Alors, il faudra bien purger tout ça, en grimpant, fusil en main, dans le froid et l’obstination. Le sang comme épreuve et comme preuve; comme énigme aussi.
C’est une pièce étrange, écrite dans un langage parlé très actuel, direct, voire brutal, mais qui évoque les tragédies antiques sans vraiment s’y référer. Une sorte de cérémonie de deuil dans laquelle il est bien difficile de trouver quelque consolation.
Cette ouverture permet sans doute au metteur en scène mille et une explorations. Pistes nombreuses qui peuvent éveiller les questionnements chez les spectateurs sensibles, l’incompréhension chez ceux qui aiment qu’on leur explique tout. Savoir si l’œuvre d’art doit donner des réponses ou poser des questions… !
retrouvez la pièce sur le site des éditions Les Solitaires Intempestifs et dans toutes les bonnes librairies !