La saga Moulinex sur les planches du théâtre de l’Opprimé à Paris
Moulinex, c’est une épopée industrielle à la française, qui court du presse purée des années 30 au robot ménager. Une histoire longue de 70 ans qui traverse toutes les mutations économiques et mangériales, du patron paternaliste aux délocalisations sans état d’âme. “Un cœur Moulinex”, une pièce de Simon Grangeat, déroule cette saga sur la scène du théâtre de l’Opprimé jusqu’au 26 novembre.
Une pièce très documentée mise en scène par Claude Viala
Sur la scène du petit théâtre de l’Opprimé, quatre comédiennes et deux acteurs endossent tour à tour les bleus de travail des ouvrières, les blouses grises des contremaîtres d’avant-guerre puis les costumes cravates des “managers” des années 90.
Avec beaucoup de finesse et de drôlerie, ils restituent sans temps mort une histoire industrielle bien de chez nous, avec son patron paternaliste, Jean Mantelet, ses “petites”, les ouvrières en quête d’émancipation dans la France de l’après-guerre, son expansion fabuleuse avant la chute.
Très documentée, la pièce mise en scène par Claude Viala ne tourne jamais à l’exposé didactique. On traverse allégrement 70 ans d’histoire industrielle et même d’histoire de France, avec l’évolution des styles, de la mode, des musiques, du ragtime au disco… Une histoire intime défile sous nos yeux, non sans émotion.
Moulinex “libère la femme”, et les publicités naïves de l’époque jouées sur scène font mouche, transportant le spectateur dans une France de “ménagères” et de “Géo Trouvetout”. C’est la France des trente glorieuses, de l’équipement des ménages, de l’euphorie de la consommation.
70 ans défilent, du presse-purée aux financiers
Tout commence par un presse-purée, conçu par Jean Mantelet en 1932. On débute à 14 ans à “Moulin-légume”, et c’est plutôt mal vu pour une jeune fille d’embaucher à l’usine, dans cette Normandie berceau du groupe.
La firme ne prend le nom de Moulinex que dans les années 60 avec l’irruption de l’électroménager. Les prix baissent, les cadences augmentent, le plastique et les syndicats font leur arrivée chez Moulinex.
Le tableau se gâte à partir des années 90, quand le patriarche vieillissant (il meurt en 1991) est dépassé par la nouvelle donne économique. Les industriels ont cédé la main aux financiers, l’actionnaire réclame son dû. Le “downsizing”, la délocalisation font rage pour écraser le coût du travail.
Moulinex passera par plusieurs mains d’investisseurs controversés (Jean-Charles Naouri, le groupe italien Elettro Finanziara, dont les deux frères propriétaires sont croqués avec talent) avant d’être racheté par le concurrent de toujours, Seb.
Une ère s’achève: celle des industriels, avalés par des financiers qui laissent derrière eux des usines fermées, des milliers de licenciements et empochent des parachutes dorés en passant.
Sur l’autel dressé sur scène à la toute fin, une pyramide d’appareils Moulinex atteste d’une époque encore imprégnée de merveilleux, bien avant le règne de l’obsolescence programmée.
Article rédigé par franceinfo – franceinfo Culture (avec AFP)
Publié le 10/11/2017 18:45