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Nos Rêvoltes

Joseph débarque un lundi, apeuré et chancelant. Il a 12 ans. On vient de le retirer de chez sa mère, soupçonnée d’abuser de lui. Le monde entier est devenu tout à coup étranger. Dès son arrivée, il fait la connaissance de Nour, jeune fille extravertie qui connaît les lieux comme sa poche et le prend sous son aile. Les journées passent, en attendant de pouvoir retourner au collège ou bien en le fuyant… Les nuits sont pleines d’angoisses et de cauchemars. Et puis il y a le toit et les étoiles, la grande ourse… la possibilité d’un demain, au-delà du traumatisme et de la violence.

Nos Rêvoltes se déroule au croisement des mondes imaginaires et de la brutalité du réel, quand la violence s’est abattue sur des enfants. Elle met en jeu les failles, les manquements d’un système, les humanités des travailleurs qui se débattent pour tenter d’aider les victimes. La pièce a été écrite en résidence en Maison d’Enfants à Caractère Social, comme une adresse aux vingt pour cent d’enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance et qui ne sont que trop rarement représentés comme les acteurs de leur vie.


Nos Rêvoltes a été écrit dans le cadre d’une résidence de création en établissement scolaire, porté par le Centre Culturel de La Ricamarie.

Le spectacle sera créé au printemps 2024 par la compagnie Les Petites Gens, dans une mise en scène de Muriel Sapinho.

L’écriture

Le début de la pièce

Lundi

1.

Il y a des enfances qui durent longtemps. Il y en a d’autres qui s’achèvent avant l’heure. La sienne commence quand il a douze ans, un lundi soir de novembre. La lumière du couloir découpe dans l’encadrement de la porte la silhouette d’une policière qui est venue pour lui.
– C’est toi, Joseph ?
– Oui.
– Tu sais pourquoi nous sommes là ?
– Oui.
– Il faudrait que tu prépares quelques affaires. Des vêtements, un pyjama. Tu vas partir avec nous, d’accord ?
– Oui.
– Prends ce qui est important pour toi. Un sac. Tu ne vas pas revenir ici avant quelques temps.
Ensuite, tout se mélange. De loin, il dit au revoir à sa mère. Elle est dans le salon. Elle pleure. Dehors, il fait froid. Il a son sac sur l’épaule. Peut-être bien qu’il pleut, même. Il frissonne. Il s’assied à l’arrière de la voiture. Le conducteur ne déclenche pas la sirène, le gyrophare non plus.
– Il ne faut pas avoir peur, d’accord ?
La voix de la policière tremble.
– Il ne faut plus avoir peur maintenant, elle dit.
Ses yeux se mouillent. Il trouve ça étrange : une policière avec les yeux qui pleurent…
– Maintenant que tu es avec nous, tu ne crains plus rien. Tu as compris ? Il ne va plus rien t’arriver.
Peut-être qu’elle a des enfants, elle aussi.

2.

Nour le repère dès le premier instant, sitôt qu’il entre dans la salle à manger. Ce n’est pas un habitué. Il n’a pas les bonnes manières, pas la bonne façon de se tenir debout. Il n’a pas la bonne façon de regarder les autres, regarder autour de lui.
Pourquoi les éducateurs l’installent à sa table ? Elle n’est pas charitable. Elle n’est pas gentille non plus. Elle a déjà bien assez de problèmes avec elle-même, alors aider les autres, elle n’a pas vraiment le temps.
Lui, il s’assied. Il reste là. Il ne bouge pas. Il la regarde fixement.
– Ce n’est pas parce que tu es assis à ma table qu’on est obligés de se parler, OK ?
Ce sont les premiers mots qu’elle lui adresse.
– OK, il répond.
– Ce n’est pas parce qu’ils t’ont collé à moi que je vais devenir ta meilleure copine ou ton garde du corps, OK ?
– OK, oui.
– Je m’appelle Nour.
– Moi, c’est Joseph.
– Tu es là parce que ton père te fracassait la tête pour se calmer le soir ? Pas ton père. Ton oncle ? C’est pas ça. T’aurais pas ta tête d’ange. Ils t’enfermaient dans la cave pour pas que tu les emmerdes pendant les vacances ? Dans les W.C. ? Tu dis rien. Ici, personne veut jamais raconter pourquoi il est là. C’est con. La psy, elle dit qu’il faut pas avoir honte. C’est pas à nous d’avoir honte. C’est aux autres. C’est à eux. Aux adultes qui nous ont pas protégés. Tu es d’accord avec elle ? T’es pas d’accord avec elle ?
– Si.
– Alors, mange ta soupe et tais-toi ! Elle va être froide.
Elle rit en disant cela. Un grand éclat qui déchire le silence des repas. Tous les regards se tournent vers eux.
Joseph s’enfonce sur sa chaise. Il s’efface. Il aimerait disparaître.


Pour découvrir le texte intégral, vous pouvez en faire la demande ici.

En images

Nos Rêvoltes sera créé au printemps 2024 par la compagnie Les Petites Gens, dans une mise en scène de Muriel Sapinho.

D’ici là, la compagnie mène un projet au long court, accompagné par les ADDA d’Occitanie,
à la rencontre des enfants et des jeunes gens placés dans les Maisons d’Enfants à Caractère Social de la région.


photographies de répétitions – compagnie Les Petites Gens

Autour de la pièce